Le télescope du satellite ISO


De 1988 à 1993, employé de la société Aérospatiale, je fus chargé du réglage optique du télescope du satellite ISO, instrument d'observation astronomique dans l'infrarouge (de 2 à 200 microns), qui présentait la particularité d'être entièrement refroidi à la température de l'hélium liquide, soit 4 K. Pour cela, le télescope et ses quatre instruments scientifiques étaient placés à l'intérieur d'un grand réservoir cylindrique rempli d'hélium, qui les refroidissait par rayonnement et par conduction. La durée de vie du satellite dépendait de la quantité d'hélium embarquée : lorsque les réserves seraient épuisées, il se réchaufferait et deviendrait inutilisable. Prévue au départ à 18 mois, l'espérance de "vie froide" du télescope fut en réalité de 30 mois. Ce qui fit soupirer les managers d'Aérospatiale, car si le satellite n'avait duré "que" 18 mois, ils avaient bon espoir d'en vendre un deuxième exemplaire à l'Agence Spatiale Européenne...

Régler le télescope du satellite ISO ne se réduisait pas simplement au ...réglage du télescope ! Avant d'en arriver là, il fallait réaliser toute une série de mesures, comme par exemple le test du miroir primaire seul, ou celui du grand miroir plan d'auto-collimation, tous effectués sous vide, à température cryogénique. La plupart de ces tests eurent lieu au Centre Spatial de Liège (CSL), en Belgique, où nous appréciâmes beaucoup la compétence et l'hospitalité de nos collègues d'Outre-Meuse.

Un programme lourd, direz-vous ? Mais nous étions au tout début des "années Hubble", lorsque les premières images du télescope spatial étaient désespérément floues. Elles le restèrent d'ailleurs jusqu'à l'introduction d'une optique corrective par les astronautes de la NASA. Mais un tel recours n'existait pas pour ISO, dont l'orbite était trop excentrique. Il ne nous était pas permis de reproduire les mêmes erreurs.


Intégration du télescope ISO en classe 100

Un interférogramme du télescope à température cryogénique (9 K)


En haut à gauche, vous pouvez admirer le télescope en cours d'intégration, dans les salles blanches de l'Aérospatiale, à Cannes, avec son miroir primaire recouvert d'or (ce qui ne fut pas mon cas). A droite, l'image exclusive d'un interférogramme du télescope, réalisé à Liège, à température cryogénique (9 K) dans les installations de CSL. On y distingue nettement les déformations de la surface optique au voisinage des trois points de fixation du miroir primaire (au moins 1 micron, quand même…). En bas à gauche, une simulation animée des réponses impulsionnelles (PSF) du télescope pour chacun des quatre instruments scientifiques. Les PSF, calculées avec COSAC, sont représentées en échelle logarithmique afin de faire ressortir leurs lobes de diffraction, et notamment la symétrie hexagonale créée par les trois branches du tripode qui porte le miroir secondaire. Et pour finir, une photo souvenir en bas à droite, prise dans les installations de CSL.


Simulation de la PSF du télescope, réalisée avec COSAC

"Bonjour, vous me reconnaissez ?"



Régler le télescope du satellite ISO est l'affaire d'une équipe, aussi voici les noms des opticiens d'Aérospatiale qui y ont consacré le meilleur de leur temps :
G. Blons, J.L. Devaux, M. Gineston, V. Jumeau, S. Matthews. Salut, amis !


Le télescope du satellite ISO fut livré en 1993. Mais nous dûmes attendre encore deux ans avant son lancement par une fusée Ariane IV, et la confirmation que le boulot avait été bien fait. L'ESA qualifia sobrement la qualité image du télescope de "superbe", il parait qu'on voyait le quatrième anneau de la tache d'Airy...

Pour en savoir plus, vous pouvez essayer de vous procurer l'intégrale de la communication présentée au colloque ICSO'91, "Contrôle de qualité image à température cryogénique sur le télescope du satellite ISO", ou tout simplement consulter la page officielle de l'ESA.


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